AMBITIONS
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Ambition 1
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La pertinence des prises de décision politiques en faveur de la protection de la biodiversité dépend de notre capacité à mieux caractériser l’état et la dynamique de la biodiversité, ses facteurs déterminants, et être en mesure de modéliser et d’anticiper ses changements. La récente mise en œuvre de la plateforme science-politique internationale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) et la publication de son rapport soulignent l’importance que va revêtir cette tâche dans les années à venir. Contrairement aux habitats continentaux où des méthodes consensuelles d’analyse scientifique des patrons de biodiversité ont été mises au point depuis longtemps, ce travail ne fait que débuter pour la biodiversité marine, dont l'organisation est guidée ou contrainte par des facteurs différents (habitats plus vastes et moins physiquement fragmentés, variations de température plus tamponnées, diversification des espèces plus ancienne, etc.). La compréhension de ces patrons de biodiversité fait nécessairement appel à une complémentarité de disciplines (écologie, évolution, génétique, etc.) et d’observations à différentes échelles spatiales et temporelles, à différents niveaux d’organisation du vivant (du gène aux écosystèmes).
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Ambition 2
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Les pressions anthropiques et le changement climatique sont des forces évolutives dont les effets sur la biodiversité marine sont considérés comme majeurs. Pour cela il nous faut appréhender la relation génotype-phénotype-environnement ainsi que faire la part entre l’évolution naturelle des organismes et celle induite par le changement global. Par ailleurs, nos capacités à modéliser et prédire ces effets demandent une meilleure compréhension des facteurs biologiques qui définissent les limites de distribution d’une espèce, sa niche écologique fondamentale. Ces facteurs sont notamment à rechercher dans l’histoire démographique, la fitness et les capacités adaptatives des espèces au regard des conditions environnementales. La connaissance des interactions des organismes marins est indispensable pour expliquer la coexistence des espèces, leurs distributions, leurs productivités et leurs capacités de résistance et de résilience. Les processus écologiques impactent aussi la dynamique spatio-temporelle des populations et des communautés d’espèces. Ces forçages structurent les écosystèmes marins.
La connectivité et les migrations font partie de cette dynamique. Il est donc nécessaire de faire converger des approches individuelles où les phénomènes comportementaux (y compris sociaux) président aux déplacements des individus et des approches populationnelles de grandes échelles où les déterminants physiques dominent. Cette ambition couvre de vastes champs disciplinaires, de la biologie moléculaire à l'écologie en passant par l’éthologie et la biologie du développement. L’intégration des résultats obtenus dans des études englobant l’ensemble de l’aire de répartition des espèces et les habitats successifs colonisés pendant leurs cycles de vie permettra de préciser les liens existants entre qualité et disponibilité des habitats marins, « patterns » de connectivité à l’échelle intraspécifique (intra- ou inter-populationnelle) et dynamique des populations.
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Ambition 3
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La biodiversité marine (comme terrestre) décline à un rythme sans précédent à cause des activités humaines directes, comme la pêche, l’aménagement du littoral, les pollutions, et du changement climatique. Bon nombre d’espèces marines exploitées ont vu leur effectif fondre au cours des dernières décennies et certains groupes, comme les coraux, requins et mammifères marins, sont menacés d'extinction alors que d’autres, comme les tortues ou les oiseaux sont fortement affectés par la pollution plastique. Certains écosystèmes marins sont, dans leur ensemble, fortement impactés, notamment les écosystèmes côtiers qui sont aussi les plus productifs et diversifiés. Ainsi, l'étendue des herbiers marins a diminué de plus de 30%, la couverture de mangroves a diminué de 38%, alors que la couverture de coraux vivants sur les récifs a presque diminué de moitié.
Si ce déclin de la biodiversité marine est maintenant bien documenté et fait l’objet d’un consensus dans la communauté scientifique, notre compréhension des impacts du changement global sur les espèces, communautés et écosystèmes marins est encore très incomplète et doit être améliorée pour pouvoir mieux préserver et maintenir la biodiversité marine et les services écosystémiques.
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Ambition 4
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Avec les progrès techniques, le développement des échanges et les avancées de la connaissance, chaque époque a été marquée par l’émergence de dangers nouveaux et donc de risques nouveaux. Aujourd’hui, beaucoup de phénomènes, très hétérogènes (plastiques, antibiobiotiques, perturbateurs endocriniens, etc.), peuvent entrer dans la catégorisation des risques émergents pour les socio-écosystèmes marins. Bien qu’encore mal caractérisés, la présence et les effets de ces nouveaux contaminants entraînent une modification de l’environnement, imposant des adaptations et évolutions pour les espèces marines avec des conséquences locales négatives de plus en plus récurrentes et perceptibles, tant pour la biodiversité que pour les populations humaines (diminution de l’abondance ou de la qualité des ressources, risques sanitaires, dégradation de l’habitat, etc.). Face aux risques émergents, l’enjeu scientifique se situe tout d’abord dans la qualification du risque pour aboutir à la mise en place de moyens de prévention et d’outils de gestion adaptés. Plus globalement, la lutte contre les conséquences directes des activités humaines et le changement climatique va de plus en plus imposer de nouvelles approches, basées sur la prévention de leurs conséquences dommageables (développement d’outils de conservation des différentes composantes de la biodiversité marine) et la résilience aux aléas naturels et technologiques associés (développement d’outils de restauration des habitats marins). Mettre en œuvre des mesures de protection, de valorisation, de compensation des dommages causés aux habitats et espèces marines, y compris les Nature Based Solutions, afin de protéger la biodiversité marine et maintenir ses capacités d’évolution, constitue donc un défi scientifique d’ampleur pour les années futures.
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Ambition 5
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L’augmentation continue de la demande en produits de la mer depuis 1950 a généré un essor prodigieux de la pêche mondiale, qui s’est concrétisé par une forte hausse des captures (passant de 20 MT à 90MT entre 1950 et 1995), mais aussi de l’effort de pêche. Depuis près de 30 ans, l’effort de pêche au niveau mondial continue d’augmenter, alors que les captures stagnent, générant de plus en plus de situations de surexploitation (malgré des améliorations dans certaines zones océaniques). Actuellement 33% des populations sont surexploitées, 60% pleinement exploitées et seulement 7% restent sous exploitées, ce qui offre peu de possibilités d'expansion des pêcheries. Les seules options pour répondre à la demande croissante en produits de la mer sont donc de reconstituer les stocks surexploités et de développer l’aquaculture, secteur qui est fortement soutenu par l’UE. L’enjeu pour ce secteur est de mettre en œuvre une filière qui intègre les perspectives écologiques, sociales, économiques et institutionnelles pour un usage durable des ressources naturelles. En d’autres termes, cela implique de réduire les rejets d’élevage, de développer de nouveaux procédés, comme les systèmes à recirculation nouvelle génération et les systèmes multitrophiques ainsi que d’améliorer l’adaptation et le bien-être des animaux à ces procédés.
Pêche et aquaculture sont deux secteurs qui impactent fortement les écosystèmes marins et qui, pour être durables, doivent donc se développer dans le cadre d’une approche écosystémique de manière à assurer la sécurité alimentaire tout en préservant l’intégrité et la résilience des organismes et des écosystèmes qu’ils exploitent.
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Ambition 6
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Les enjeux d’usages (pêche, aquaculture) et de conservation de la biodiversité marine, dans le cadre du changement global, font face à des défis technologiques et des verrous de connaissance qu’il faut relever. Dans le milieu marin, l’observation in situ a toujours été un défi majeur, car l’eau de mer, contrairement à l’air, laisse peu ou pas passer les ondes électromagnétiques. De ce fait, l’observation marine a toujours été très contrainte et limitée, mais les développements de nouveaux capteurs, de stations d’écoute et de robots ouvrent de nouveaux horizons et permettent de suivre les animaux marins et d’étudier leurs déplacements individuels et/ou collectifs. Des innovations technologiques supplémentaires sont encore nécessaires pour comprendre les processus physiologiques et éthologiques sous-jacents et par là même les réponses des organismes à leur environnement. De même, des observatoires doivent être maintenus pour pouvoir qualifier les évolutions des populations et des communautés marines.
A côté du défi « Observation », la compréhension de l’évolution des écosystèmes marins passe aussi par la bancarisation, le traitement et la modélisation d’une masse considérable de données in situ et issues de modèles. Pour comprendre de manière intégrée les effets des activités humaines sur les organismes, le fonctionnement et la structure des écosystèmes marins, des modèles complexes, dit End-to-End (multi- compartiments, multi-échelles et multi-usages), ont été développés et doivent maintenant être parachevés afin de pouvoir être utilisés comme outils de gestion (que ce soit dans un cadre d’estimation de quantités d’intérêt ou de production de scenarii). Pour ce faire, il faudra formaliser, de manière théorique, mécanistique ou statistique, les nouvelles connaissances, puis confronter ces conceptualisations aux données tout en intégrant de nouvelles approches informatiques, notamment celles du big data et de l’intelligence artificielle.
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