Objectifs scientifiques et projet de recherche

Le projet « Subsistance urbaine et mobilisations du travail au Burundi (début 20e s.-début 21e s.) » vise à éclairer des dynamiques historiques, sociologiques et politiques encore peu investies par la recherche scientifique consacrée au Burundi, parce qu’elles touchent le milieu urbain, qui n’est pas censé « représenter » le mieux ce pays. Il est vrai que près de 90 % de la population burundaise (qui approche 11 millions d’habitants en 2017) habite encore aujourd’hui sur des « collines », la majorité vivant de sa seule production agricole. Il est sûr aussi que la création des villes n’a pas été endogène mais a plutôt marqué l’acte d’imposition de l’Etat colonial sur une société organisée d’habitude en habitat dispersé. Il est saillant encore que le Burundi, parmi tous les pays du continent, reste l’un des moins urbanisés. Et pourtant… Depuis l’indépendance en 1962 jusqu’aux années 1980 dans une première phase, et dans une seconde depuis le début de la guerre en 1993 jusqu’à l’heure actuelle, les taux de croissance urbaine, soutenus par une démographie active, ont été spectaculaires et ont rempli la capitale et les villes secondaires de nouveaux citadins (11 % de croissance urbaine moyenne depuis plus de deux décennies !). Aussi, on constate que les villes ou les bourgs cossus et ségrégués de l’époque coloniale, surtout composés d’étrangers, ensuite embourgeoisés dans un élitisme postcolonial tout autant claustrant, se sont étalés et dégradés à la faveur de l’exode rural et des « crises » politiques, ont créé de nouvelles réalités sociologiques et affecté profondément les rapports économiques, les hiérarchies sociales et les formes de l’arrangement ou de l’engagement politiques au Burundi. Même la grave crise que vit le pays depuis avril 2015 a mis en lumière cette importance du monde urbain et de ses forces vives dans l’action politique nationale.

Unités IRD impliquées

3R24300 : IMAF

Institutions membres

UB : Université du Burundi

Responsable(s)

M. x

Correspondant

Mme. X

Disciplines scientifiques

Sciences de la société Sciences humaines et humanités Sciences agronomiques et écologiques

Thématiques de recherche

En prenant acte de ces mutations depuis un siècle et de la certitude démographique qu’elles vont se poursuivre, ce projet veut contribuer à la compréhension des formes de l’ordre social et politique, mais aussi idéologique et culturel, qui fondent aujourd’hui la société burundaise et vont nécessairement influer sur son développement futur. L’équipe pluridisciplinaire Suburbu (histoire, géographie, science politique, sociologie) souhaite visiter cette question en entrant par la porte des catégories, des représentations et des mobilisations du travail , à travers quatre axes de recherche ouverts en simultané dans 5 villes du pays , la capitale et quatre villes dites secondaires. Deux de ces axes concernent des secteurs d’emploi circonscrits, dont l’histoire sociale et politique est très riche, celui des gens de maison (« boys », gardiens, « nounous »…) et celui des taxis-vélos et taxis-motos, et deux autres évoquent des activités plus fluides et partagées, celles des travaux communautaires, pratique à laquelle dérogeaient autrefois les villes, et celle de l’agriculture urbaine, véritable persistance du rural en ville. Ces quatre entrées doivent nous permettre tout à la fois de suivre sur la longue durée les liens entre travail et développement urbain et humain, d’embrasser les dimensions individuelles et collectives des transformations sociales et politiques, de souligner les relations et les frottements continus entre monde « moderne » urbain et espace « traditionnel » de la ruralité, similairement touchés par la pauvreté, et enfin de saisir les modes et les usages des mobilisations du travail en ville, que celles-ci soient le fait d’un Etat nécessiteux et astreignant, d’un parti avide de légitimation ou des travailleurs eux-mêmes, gagnés au modèle d’une citoyenneté revendiquant les droits associés à ses engagements. Au final, on voudrait appréhender la société burundaise dans ses figures complexes et alimenter une réflexion plus large sur les politiques de développement et de lutte contre la pauvreté.